FEED

FEED est le premier volet d’une saga d’horreur écrite par Seanan McGuire (sous le pseudonyme de Mira Grant) contant les aventures de Georgia et Shaun Mason, deux jeunes journalistes ayant grandi après le Jour des Morts (le jour où les zombies sont devenus une réalité !) et suivant un candidat à l’élection présidentielle dans une Amérique divisée et paranoïaque.

Dans la fiction de zombie, autant se le dire tout de suite, il y a à boire et à manger, du nanar gore irrévérencieux et bancal à la satyre bien efficace et pertinente. Quand ma petite femme m’a demandé ce que je voulais comme cadeau et qu’en lisant la quatrième de FEED je lui ai dis que ça pouvait être pas mal, je pensais surtout me retrouver devant un bouquin sympathique « à la Walking Dead« , jouant joliment avec les codes du genre sans trop les bouleverser. Je viens de terminer de le lire et mince, j’étais loin du compte. J’ai pris une claque.

Dès l’ouverture, l’auteur flatte le lecteur amateur de zombie en incluant la fiction du genre dans son récit. Finis les survivants atterrés devant une menace inconnue, cette fois le monde avait vu Romero et ne s’est pas laissé faire, si bien que la culture geek s’est changée en guide de survie pour l’apocalypse. Même les prénoms les plus donnés aux enfants après le Jour de Morts (ça aussi c’est Romero) évoquent cette culture geek, les prénoms les plus populaires d’après l’héroïne étant Georgia, Georgette, ou encore Barbara. Quand au héros, Shaun, il évoque un Simon Pegg ahuri dans un peuple assailli par les morts-vivants. S’ensuit une scène fabuleuse pendant laquelle nos deux journalistes pressentent l’arrivée d’une hordes et échappent de justesse à l’étau mortelle en bondissant sur une moto. On est dans l’horreur mais bon, le zombie c’est aussi du fun!

Retour à la réalité. L’Amérique de FEED n’est pas si différente de celle que l’on connait. Il n’y a pas eu d’extinction massive de la population à la Walking Dead, ou de modification soudaine de la société à la World War Z. Pourtant, çà et là on voit des preuves que l’humanité, bien qu’ayant stagné pendant qu’elle luttait, à dû s’adapter. Certaines zones encore sous contrôle zombie sont interdites sauf accréditation, les gens répugnent à se trouver dans une foule ou en extérieur, et des barrières se trouvent un peu partout, comme les tests sanguins bloquant certains accès aux infectés pour piéger les foyers d’infection dans un sas et limiter la propagation. Dans l’ensemble, les gens préfèrent rester chez eux derrière une porte blindée et un fusil à pompe à la main. (Se barricader et s’armer : check !)

L’autre transformation majeure, c’est celle de l’information. L’auteur critique les médias traditionnels, bien au chaud dans leurs bureaux et jonglant entre une dépêche AFP et les directives du gouvernement, en les rendant responsables d’une grande partie des morts lors de l’arrivée des zombies. Pendant qu’ils affirmaient que tout allait bien et était sous contrôle, ce sont les citoyens qui ont eu la tâche de rétablir la vérité afin de survivre. La conséquence la plus évidente étant la perte de confiance en la télé poubelle et l’émergence d’une nouvelle source d’information : les blogs. N’importe qui pouvait faire part de son expérience, prodiguer des conseils et rendre compte de la situation. Pour les héros, le journalisme par blog, en flux continu, est le meilleur moyen de faire parvenir la vérité, qu’elle soit belle ou non, et de faire avancer les choses. (Les citoyens qui prennent les choses en main et font mieux que les officiels : check !)

FEED, c’est aussi de la politique. L’auteur fait émerger de nombreux sujets de société qui, même s’ils se rapportent aux zombies, sont tout à fait d’actualité de nos jours, même si le roman a été écrit en 2010, et même si on ne partage pas la même nationalité : la bellicosité des Etats-Unis qui souhaitent récupérer leurs territoires infectés par la force ; l’écologie, quand les animaux sauvages de plus de 20kg peuvent aussi devenir des zombies et qu’il n’existe aucun moyen de les contrôler (faudrait exterminer les loups qui mangent mes moutons, dit le berger français) ; la radicalisation, quand les Puritains clament haut et fort que le virus est une punition divine pour rappeler l’humain vers la morale ; les libertés individuelles qui sont sacrifiées sur l’autel de la sécurité ; et le terrorisme, biologique dans ce cas-ci. A bien y réfléchir, tout ça est bien plus effrayant que n’importe quel mangeur de chair humaine dans votre véranda. On aurait presque envie de voir ce que le roman aurait donné s’il avait été écrit aujourd’hui, après les attentats islamistes et l’élection de Trump. L’auteur ne prend d’ailleurs pas toujours position en présentant des personnages sympathiques aux avis contradictoires afin de nous faire réfléchir (comme sur la détention d’animaux de compagnie ou de loisirs capable de se transformer).

En gros, pour moi, FEED est une des meilleures œuvres de zombie jamais écrites. On y retrouve tous les codes , mais Mira Grant va plus loin en les utilisant intelligemment pour construire un thriller conspirationniste bien ancré dans la réalité. Je l’estime autant qu’un World War Z, et d’ailleurs je l’ai déjà conseillé à mes amis fan de zombie tant je le crois incontournable. Il me tarde de lire la suite de la saga ! Mais j’ai encore beaucoup trop de roman dans ma PAL.

A voir aussi :

  • World War Z, de Max Brooks
  • Night of the Living Dead, de George Romero
  • Shaun of the Dead, d’Edgar Wright

 

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